मैं, गोरा ? नाही साहाब !

Moi, étrangère? Non monsieur!

Cela me donne l’impression d’annoncer un nouveau mois d’écoulé toutes les semaines. Donc voilà, neuf mois… c’est un petit nombre, mais j’ai l’impression d’avoir passé ma vie ici. Les défis se succèdent les uns aux autres, les projets deviennent nombreux, et il arrive parfois de devoir faire des choix. En ce moment, avec un petit groupe nous essayons de faire entendre notre point de vue sur l’organisation du programme, pour lui donner un meilleur avenir, mais il ne faut pas non plus oublier de vivre son échange.

Les exchange students commencent à partir les uns après les autres. Déjà deux de rentrées, encore quatre ce mois-ci. Je ne ferais pas partie des départs massifs de juin, j’ai encore décalé mon billet d’un mois (merci maman). Je resterai donc avec un petit groupe jusqu’au 13 juillet.

Alors, ça change l’Inde après tout ce temps ?

Je dirais que oui. Il faut surement attendre 6 mois pour voir les changements soi-même.

La tolérance augmente. Je m’attends à être en colère face à une situation mais ça ne vient pas. Des fois, il n’y a qu’une seule solution pour faire bouger les choses en Inde, c’est de crier fort et de leur faire peur. Mais j’ai beaucoup de mal à me mettre en colère, il faut alors simuler. J’ai été intoxiqué par la zen attitude indienne. Mais alors attention, ça ne veut pas dire que je me suis calée sur leur rythme. Leur lenteuuuur est exaspérante, toujours. J’ai dû aussi parfois assister à des cérémonies religieuses de 7 heures non-stop, a écouter un prêtre assis dans son trône lire la bible Hindoue et prêcher la vie. Pendant un mois, tous les matins un gourou venait à la maison pour la même chose, deux heures. J’ai dû m’assoir écouter une langue étrangère, des paroles vides de sens pour moi, pendant plusieurs heures, sans que quiconque pense que je puisse mourir d’ennui. Mais j’ai survécu, je ne suis pas morte. De toute façon, ça ne me faisait plus d’effet d’apprendre que j’allait devoir y assister.

La patience s’allonge dangereusement. Deux heures de train, rien d’affolant. Après plusieurs bustrip avec des journées entières à être confinée dans une boîte métallique ferroviaire, même douze heures de bus sont tolérables. Je me suis retrouvée parfois à attendre des heures, encore et encore. Attendre un train, attendre devant chez soi que quelqu’un avec les clés rentre, attendre un ami à la gare qui a oublié de se réveiller. Une heure, deux heures, trois heures, tant que j’ai un papier et un crayon, tout va bien. J’ai aussi beaucoup attendu que des gens tiennent leur promesse et puis finalement je ne les attends plus. Tant pis pour eux.

Avant, j’avais horreur d’organiser des trucs. Pas vraiment mon genre de me mettre en avant et de crier plus fort que le voisin. Je préférais laisser les gens plus douer pour ça le faire. Mais puisqu’ici, c’est un peu l’anarchie,  il a bien fallu que je m’y mette un peu pour obtenir des résultats. Me voilà en train de passer des heures au téléphone pour réussir à réunir des exchange student au même endroit, alors que finalement c’est moi qui suis incapable de venir. Me voilà en train de conspirer dans le dos du rotary et d’organiser des réunions. Bref, me voilà en train de proposer des idées. Ce n’est toujours pas mon passe-temps favori, mais au moins maintenant je sais le faire. Question d’autonomie ça s’arrange bien aussi. Si j’ai besoin de quoi que ce soit, il n’y aura que moi qui pourra me le fournir. Impossible de se reposer sur un adulte et de lui demander de faire le sal boulot sous principe qu’il est responsable de vous.

J’ai aussi appris à respirer un bon coup et de faire avec les choses. Un robinet d’eau froide pour se laver ; mais comment vais-je faire en rentrant pour me réhabituer aux pommes de douche et à l’eau chaude ? La grand-mère de 85 ans séjourne à la maison, et par la même occasion dans ma chambre, mais on ne peut risquer de mettre la clim’, elle risquerait de ne pas y survivre. Alors me voilà en train de partager mon lit et apprendre à dormir par 35 degrés. Bon, ce n’est pas comme si je ne pouvais pas le faire!

J’ai aussi appris à me servir d’une carte ! D’ailleurs, j’en ai toujours deux dans mon sac. Mon estomac est devenu résistant à tout et n’importe quoi, et je bois la même eau que les Indiens. J’arrive maintenant à faire sans organisation. Accepter de partir quelque part, sans savoir où, sans que nous sachions encore où nous allons dormir. Même si je pense que j’apprécierai l’organisation millimétrée de retour en France ! La part d’aventure n’est pas là, mais ça évite de se poser trop de questions.

En attendant, j’ai faim, sur ce je pars manger !

important : https://gazetteindienne.wordpress.com/2013/05/07/un-petit-sondage/