Retour à la France

Lundi 10 juin 2013, Borivali West

Très bien, je ne suis pas encore rentrée, mais vendredi je vais avec pierre, Sofia et quelque autres a l’aéroport Chhatrapati Shivaji International (quelle classe ce nom, ça donne envie de voyager). Je n’ai rien dit à personne, c’est une surprise pour mes grands parents, quelques membres de ma famille et mes amis. L’idée était de garder ça secret au moins après la première épreuve de bac des S et ES.

C’est assez étrange de faire ces adieux à cette ville de cette manière. Quand on arrive dans son pays d’accueil et qu’on essaye de s’imaginer qu’on a dix mois à faire, on se sent protégé. En fait, on vit comme si on était là pour toujours.

Ce qui va me manquer plus que tout, c’est cette absence de contrainte. Cette liberté. Je suis libre de partir à l’heure qu’il me plait, et de rentrer à l’heure dont j’ai besoin. Je n’ai à répondre de mes emplois du temps à personne, et je n’ai pas besoin de justifier mes faits et gestes. Il n’y a  que moi et la ville.

J’ai découvert avec horreur que certains exchange students ne comprenaient qu’un mot sur trois lorsque je parlais de Mumbai. Mangaldas, Crawford Market, Zaveri Bazaar, Sandhurst, tout cela leur est étranger. En fait, il y a tellement de liberté qu’on est libre de s’ennuyer profondément, ou d’être frustrée par la courte durée des jours. En rencontrant les bonnes personnes au bon moment, et en ayant la graine aventureuse, on peut se lancer à l’exploration de la ville, devenir un rat des rues, faire des rencontres incroyables (et toujours irréelles), avoir ses habitudes dans les coins les plus typiques, et être reconnu et saluée par certains marchands partout dans la ville. Il y a la capitale économique, Mumbai, et le vieux Bombay qui ne s’ouvre qu’à ceux qui en font la quête. J’espère en avoir découvert une bonne partie, mais pas tout non plus. Il faut qu’il en reste pour plus tard.

J’ai aussi rencontré un nombre incroyable de personnes, venant des quatre coins du monde. Que ces personnes soient bonnes ou pas, elles m’auront apporté beaucoup. J’ai toujours à l’esprit la façon dont j’aurais réagit il y a un an face à certains évènements, et cela me permet de faire la comparaison avec mes agissements maintenant.

Cet échange m’a définitivement changé.

Et les différences entre ce que j’étais et ce que je suis maintenant me font un peu peur. En fait, je suis morte de trouille. J’ai peur de ne pas reconnaître les gens ; qu’ils aient, non, que j’ai trop changé. Que je ne m’entends plus avec eux, que nos modes de pensés soient trop éloignés. J’ai peur de m’énerver, de ne plus comprendre, j’ai peur de manquer l’Inde. Bref ! J’ai peur du choc culturel, terriblement.

En discutant avec les autres, on était d’accord sur un point, il va falloir subir les questions stupides. Alors c’était comment l’Inde ? C’est frustrant, parce que c’est mon pays. On se sent étranger avec cette question, comme s’ils en ignoraient à la fois sur l’Inde et sur nous. Espère-t-on vraiment que je réduise onze mois de ma vie à la réponse Bien ? Parce que c’est tout ce que je peux répondre. Impossible de se lancer sur une dissertation au sujet des différentes classes sociales utilisant les wagons seconde classe sur la Western Railway avec cette question. Il n’y a dedans aucun intérêt particulier sur mon année passée de l’autre côte du globe, dans la plus grande démocratie mondiale, dans le pays aux plus de 3000 langues et dialectes. Si nous connaissons que trop bien cette question, c’est parce que les Indiens sont les premiers à nous la poser.

Qu’importe.

Il y a aussi les amis qui repartent à droite et à gauche. Enfin, aussi loin que cela peut être quand on parle ici de Brésil, Mexique et États-Unis. Ceux en Europe sont relativement faciles à retrouver. Même si bientôt je serai seule pour parler Anglais, Hindi ou Gujarati. Il est même possible que tout cela m’échappe au cours d’une conversation française, et dans ce cas je passerai pour une prétentieuse qui veut vanter toutes ces langues. Mais en fait, tous ces mots d’Hindi ou de Gujarati, c’est pratiquement tout ce qu’il me restera, lorsque l’Inde ressemblera à un rêve. Alors s’il vous plait, ne râlez pas si vous ne comprenez pas ce que je raconte, tick che ?

Les Religions d’Inde : Jain, Bohra et Sikh

Alors, je vous avais déjà fait un article assez copieux sur l’Hindouisme. Cela fut possible puisque j’ai vécu au jour le jour cette religion. Malheureusement, n’ayant pas eu la chance de séjourner chez des familles autres qu’Hindou, je suis incapable de fournir la même quantité d’informations pour une des trois religions dont nous allons parler aujourd’hui, d’où l’idée de les regrouper. Ce qui va suivre est donc plus de la culture général que de l’expérience personnelle à proprement dit.

Je vais commencer par la religion qui m’est la plus familière : le Jaïnisme.

Descendant de l’Hindouisme, le Jaïnisme est lui-même ensuite à l’ origine du Bouddhisme. A travers l’Inde, il y a environ 4.2 millions de Jaïns. Cette religion est basée sur la non-violence. Le régime végétarien est même plus strict que chez les Hindou : pas de viande, pas de poisson, pas d’œuf, pas de pomme de terre, oignon, et carotte, ou tout ce qui pousserait sous la terre. Premièrement, pour des questions de non-violence envers les plantes qui meurent dès qu’on les arrache, deuxièmement pour des raisons d’hygiène. Ces légumes poussant dans la terre seraient supposés être infestés de bactéries. Il est vrai que les jaïns à la base sont très stricts sur les conditions de vie. Les prêtres jaïn marchent toujours pieds-nu à travers l’Inde. Ils ne possèdent que le strict nécessaire. Ils dorment par terre, ils mangent sur le sol, ils ont renoncé au confort et à la richesse. Cette religion est basée, non pas sur un ou plusieurs dieux, mais sur des prophètes. Adinath serait le premier à être apparu sur terre. J’aimerai aussi vous préciser que cette croix sur l’image n’a rien à voir avec la croix nazi. C’est en fait un certain personnage qui a détourné le swastika de son sens premier, le symbole du soleil.

Les Bohras sont une communauté descendant de l’Islam, avec un peu moins d’un million de membres. Le Coran étant interprété différemment à travers le monde, et surtout à travers l’Indo-Pakistan, les communautés sont nombreuses. Les Bohras sont eux-mêmes divisés en différentes confréries, selon leur lieu d’origine et etc. Les exchange students qui ont eu la chance de pouvoir séjourner chez ces familles se l’accordent largement, ils sont d’une extrême générosité et très ouverts sur les autres religions. Chez cette communauté, les femmes sont autorisées à la mosquée, et ne portent pas la burqa, mais une autre tenue traditionnelle très colorée (voir les photos). Le nombre de prières diffère aussi. Il me semble qu’il n’y en a que trois, contre cinq dans la majorité des communautés islamiques.

Le Sikhisme est une religion monothéiste née dans le Punjab (nord de l’Inde) principalement, quelque chose comme 500 ans auparavant. Ce sont des Guru, aux nombres de dix, qui seraient venu répandre la vérité de Dieu. Les principes de cette religion sont basés sur la fraternités entre ses membres, sur la connaissance et sur la domination de la lumière sur l’obscurité. Ses membres sont souvent appelés « fakirs » à cause des « turbans » sur la tête des hommes. Ceci est un stéréotype, car ils ne sont nullement charmeurs de serpent. Cette coiffe fait en fait partie des symboles du Sikhisme. Les cheveux et la barbe sont des cadeaux de Dieu, il ne faut donc pas les couper, et dès le plus jeune âge des enfants garçons, on leur couvre la tête d’un tissu. Les membres de cette religion portent aussi un anneau en acier au poignet. Ils grandissent avec et ne sont pas supposés le retirer. Cette pratique s’est rependue dans d’autres religions comme l’Hindouisme qui a un peu copié la tendance.

En 1975, sous le ministère d’Indira Gandhi, l’État d’Urgence fut installé par celle-ci, pour des raisons d’instabilités politiques et économiques. Cette période de 21 mois fut mise en place pour resserrer les boulots et faire le ménage. La communauté Sikh s’opposa très fortement à cet état d’urgence qui fut décrit plus tard comme les années noires de l’Inde. Après la destruction d’un lieu sacré Sikh par l’armée indienne, l’animosité n’était que plus forte. Cela c’est soldé par l’assassinat d’Indira Gandhi par ses deux gardes du corps Sikh. La revanche des partisans d’Indira a mené à une chasse aux Sikhs. Pendant cette période-là, beaucoup de Sikhs durent se cacher, se raser la barbe, se couper les cheveux et faire retirer l’anneau d’acier. C’est un évènement dont je voulais parler puisqu’il est assez ignoré, parce qu’il m’a un peu passionné, et parce qu’ainsi je peux vous faire croire que je suis une experte en histoire indienne 🙂

Manmohan Singh, notre premier ministre avec Barack Obama

Allez, à très bientôt. J’espère que cet article est le plus juste possible. Comprenez qu’en Inde, il est difficile d’avoir des infos parfaitement exacte parce que tout le monde a son propre avis. Corrigez-moi s’il s’avère que vous provenez d’une de ces communauté-là. Ou si juste vous avez beaucoup étudié le sujet. Bye !

Ich bin (ein) Mumbaikar!

10 mois en Inde, c’est fait, mais c’est difficile à imaginer. D’un côté, j’ai conscience d’avoir passé un temps considérable ici. Mais imaginer que j’ai construit une nouvelle vie, avec familles, amis, cousins, habitudes et lieux favoris, en seulement dix mois alors qu’il m’a fallu 16 ans en France pour faire la même chose, ça c’est hardcore ! Quel plaisir lorsqu’un vendeur de streetfood connaît vos préférences et qu’il ne lui suffit que de vous voir arriver pour qu’il commence votre commande. Ou lorsque le marchand de cône de mehndi est plus familier avec vous qu’avec tout le reste du marché, et cela malgré la barrière de la langue. Ou lorsque tous les matins c’est la femme de ménage de votre appartement qui vous apprend à faire des tresses d’une complexité à faire pâlir le wagon entier des femmes dans le train le matin. Tous ces petits éléments constituent la base de l’intégration. Ils font sentir… Indien.

Malgré tout, l’intégration en Inde pour un étranger ne bat pas des records. Il est vrai que j’éprouve un peu de jalousie envers tous ces exchange students à l’Ouest du globe qui se font méprendre pour des originaires dans leur pays d’accueil. Cela ne sera jamais mon cas en Inde, et il ne faut pas se leurrer, pour chaque personne que je croise, je suis à défaut du contraire une gora, une blanche, une étrangère. Comme dirait Pierre : « Je crois que ce que je supporte le moins ici, c’est que je pourrais rester ici 1 an ou 10, dans le regard des Indiens, je serai toujours un étranger ». Cela résume absolument tout. Il me faut donc (ou pas) prouver aux Indiens que je connais l’endroit, et que oui, aussi surprenant que cela soit, je sais ce que je fais ! Cela prend du temps, et j’en ai de moins en moins l’énergie, mais je m’en fous ! Mais c’est peut-être plus de cette façon que les Indiens voient que nous sommes des habitués ; lorsque nous faisons un ramdam pas possible dans le train en chantant, jouant ou en mettant de la musique, lorsque nous marchons d’un pas rapide dans les rues, ou lorsque nous nous exclamons en hindi, par les plus fines expressions !

Du côté de la famille, eh bien ça n’a pas changé. Le Rotary m’a refusé le changement, alors que c’était la famille que j’avais trouvé qui en avait fait la demande. Personne n’a trop compris, mais nous avons bien vu les politiques qui se cachaient derrière. Enfin, c’est dommage. Hier soir ma troisième famille d’accueil m’a fait comprendre qu’il me faudra aller seule à l’aéroport en juillet. Très bien, au moins c’est fait. De toute façon cela aurait été très étrange s’ils avaient été là, pour le deuxième moment le plus important d’un échange, après l’arrivée et l’accueil dans la première famille.

La mousson est arrivée, comme je vous l’avais dit précédemment. Enfin, ma première annonce c’était en fait une prépluie, une douche qui annonçait de plus importantes. Toujours, cela était un grand choc. Après 9 mois sans pluie, j’ai redécouvert le parfum de la mousson ! Celui-ci n’est pas simple à décrire, mais je vais essayer : ça sent… la feuille de palmier mouillée… avec la chaleur aussi… en fait, il manque quelque chose, l’ingrédient important. L’absence de pollution ! Cette pluie lave pour une durée de quinze minutes toute la ville, qui sent alors fraie ! La propreté a une odeur ! Les deux premières pluies, il s’est avéré que je me trouvais en dessous. D’abord de nuit sur une moto. Bien évidemment je ne conduisais pas Calm down mum. Mais l’expérience était sympa. J’étais trempée comme une serpillière, mais l’odeur, l’obscurité, la vitesse, les lumières et la pluie, c’était juste génial ! La deuxième fois c’était plus simple, j’avais un parapluie et j’étais à deux pas de la gare. Ceci marque ma deuxième mousson, et me voilà experte ! La seule chose que j’ai à déplorer, c’est la fin de la saison des mangues ! A partir des premières pluies, ce fruit religieux en Inde commence à pourrir, et finit la mangue trois fois par jour ! Mais au moins les températures baissent ! Et les orages éclatent !  En ce moment Borivali est une baignoire et a des airs de Bretagne. Cela va être une parfaite préparation pour mon retour à la France !