Savoir Vivre et Règles de Politesse : petites habitudes et grandes différences

L’Inde est un pays très curieux. Quand je suis arrivée, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, et il est très naturel donc que tout ce que j’ai vu les premiers jours devînt la nouvelle base de mon existence. Une planche de bois pour lit, une bassine d’eau appelée douche, une nourriture à manger de la main droite, un bruit de fond omniprésent, en quelques secondes tout cela était devenu ma nouvelle « normalité ». Mais finalement, à emmagasiner et à encaisser encore et encore, on se rend compte plus tard que le premier mois se déroule sans un déboussolement le plus complet. Pouvoir remettre l’horizon à sa place prend bien un bon mois. Cela se fait avec l’aide des autres exchange students, d’autres esprits critiques, avec qui on commence à échanger sur nos impressions et nos expériences, et il apparaît finalement que pas mal de chose dans le comportement indien est vraiment folklo !

Premier exemple que j’aimerais partager, c’est la façon de boire ici. Boire de l’eau n’a jamais été si compliqué qu’en Inde. S’il n’y a qu’un seul verre pour un groupe de personnes, et bien tout le monde versera l’eau du verre dans sa bouche, à bonne hauteur. Impossible de toucher les rebords avec sa bouche. Même chose s’il n’y a pas de gobelet, juste la bouteille. Et puisqu’en Inde il est important d’avoir toujours de l’eau sur soit, même avec leur propre bouteille les Indiens ne touchent pas le goulot. Ils nous arrivent entre exchange students de partager de l’eau, et de boire tous normalement, mais tout le monde nous fixe ! Mon Dieu, des garçons et des filles qui boivent tous au goulot ! Quel affront ! Pour vous dire, même entre les membres d’une famille il n’est pas dit qu’ils acceptent de partager un verre ou une bouteille. Alors il faut développer des aptitudes : se verser de l’eau dans le gosier dans un train en marche, dans un rickshaw, en marchant, tout devient possible. Il faut de la pratique et de la concentration.

En fait, on se moque, on se moque, mais cela est dû à des raisons médicales. Il me semble avoir lu quelque part qu’à l’origine c’est à cause d’une histoire d’hépatites. Même si maintenant les Indiens courent bien moins de risques, et que pour eux c’est devenu une question d’hygiène. On ne partage pas une bouteille ou un verre que ses lèvres ont touché. C’est sale !

En Inde, les salons de manucures se font moitié moins d’argent que les salons en France. C’est prouvé ! Ici, les femmes ne gardent les ongles longs et ne mettent du vernis que sur une seule main, la gauche ! En fait, il y a bien une explication. C’est parce que ici nous mangeons de la main droite. Donc les ongles longs, ce n’est pas terrible. Et manger du vernis encore moins. Mais du coup il faut quand même avouer que des femmes avec une main aux ongles de cinq centimètres bleus électrique, et une autre aux ongles coupes à ras et dépourvu de couleur, c’est étrange ! Irais-je jusqu’à dire moche ?

Les pourboires ici sont partout, c’est automatique pour tout et n’importe quoi. Le problème lorsqu’on est blanc, c’est que beaucoup de personnes vont se présenter à vous pour vous aider, mais lorsque c’est fait, ils attendent une commission et ne vous lâcherons pas sans l’avoir eu. L’idéal c’est sans doute de ne jamais accepter l’aide de personnes se présentant comme ça, et si jamais vous les avez laissé faire sans vous rendre compte qu’ils n’étaient pas des employés de l’hôtel ou de l’aéroport, sachez qu’ab-so-lu-ment rien ne vous oblige à leur donner quelque chose. Il ne faut surtout pas encourager ce genre de pratique. Parfois ils arrivent qu’ils soient très fermes et insistants, mais il faudra vous montrer encore plus dur qu’eux.

La hiérarchie dans le train. Importante. Si jamais vous avez à vous frotter aux trains locaux, deux classes vous sont proposées. La première et la deuxième, existant pour les hommes, et séparément pour les femmes. Je vous préviens tout de suite : en première classe, les tickets valent le triple de la seconde, et en plus les gens sont horribles ! Alors certes il y a de la mousse sur les sièges, mais ça n’adoucit pas l’ambiance. En seconde classe, ils/elles seront tous très contents de vous voir, ils vous aideront le plus possible, même si pendant les heures de rush il y aura toujours quelqu’un pour désapprouver votre présence. Mais globalement, la second class ladies compartment est une famille, et je suis fière d’en faire partie. Donc, l’organisation au sein d’un wagon : eh bien, sachez qu’il y a peu de chances que vous vous asseyez un jour. Mais vous pouvez toujours faire la queue. Chez les femmes, il y a le système du banc 3 et demi. Ça veut dire que 3 femmes vont pouvoir s’assoir pleinement, pendant qu’une a la moitié des fesses dessus. Il faut d’abord postuler pour le demi-siège avant de prétendre au siège entier. J’explique : la première arrivée, la première sur la liste. Il n’a pas à s’embêter avec l’âge des gens. Une grand-mère de 80 ans n’est pas plus prioritaire qu’une jeune fille de 20 ans. Il faut demander à quelle gare les dames assises descendent, et en fonction de ça décider entre quels groupes de banc il vaut mieux patienter. Lorsqu’une femme se lève pour partir, la rangée se décale, la place ½ devient une place pleine, et la première personne sur la liste d’attente s’assoie sur le maigre bout de banc vide. Selon l’arrière-train (involontaire) des trois dames assises, il est possible qu’il ne vous reste rien. Et il est même possible que des femmes concluent des alliances entre elles, et au lieu de se décaler lors d’un départ, une femme la remplace automatiquement sans passer par la case ½. Dans ce cas, vous resterez ½ tout le trajet. Et on parle d’une heure vingt ! Il faut savoir réclamer son dû dans ce cas, et en principe on vous le redonnera, mais seulement en seconde classe. Entre Indiennes, elles adorent s’engueuler pour des morceaux de siège, et ça met beaucoup d’ambiance dans tout le wagon. On s’échange des regards, on sourit, on souffle : les femmes, qu’est-ce qu’elles peuvent être relou !

Chez les hommes, c’est plutôt différent. Le siège ½ n’existe pas. On peut donc s’assoir pleinement sans être tassé et sans cette proximité. Ils font la queue aussi pour un siège, mais c’est bien plus organisé, et très surprenant de leur part. Lorsqu’un siège se libère, c’est l’homme en bout de queue (du côté de la fenêtre) qui prend la place. Jamais je ne les ai vus se battre, s’insulter, ou même leur système être mis à l’épreuve. Les femmes passent pour des animaux sauvages à côté d’eux. Même si être une fille accompagnée par des garçons n’est pas toujours très agréable chez les hommes, je trouve que l’ambiance est bien différente. Personne ne parle, mais Eugenio peut chanter Hallelujah de Cohen, tout le monde fera comme si de rien n’était. Pas de question, on nous laisse tranquille, et ça contribue à nous faire sentir Indien !

Ce diaporama nécessite JavaScript.